Danser le « Gangnam style » au « Helpless Children Mother Center »

Fraîchement débarqués à Katmandou, après une arrivée un peu mouvementée, nous avons rendez-vous au « Helpless Children Mother Center » (HCMC), à Gongabu, dans la banlieue nord de la ville.

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Pemba Sherpa, tout droit descendu des montagnes dont il porte le nom des guides renommés, nous y accueille. Il est le gérant de ce pensionnat un peu particulier dans lequel nous allons passer trois jours à tourner un nouveau message solidaire pour les enfants malades de La Chaîne de l’Espoir.

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En 1998, son père, guide sur les routes du Base Camp de l’Everest, frappé par la pauvreté des habitants qu’il y croise, décide d’ouvrir un centre dans la capitale pour leur venir en aide. Il propose aux familles de lui confier leurs enfants. En échange de quoi, il s’engage à les loger, les nourrir, les vêtir, leur donner accès à l’hygiène, mais surtout à leur permettre de prendre le chemin de l’école. Le centre est en effet attenant à une « English Boarding School » qui dispense une éducation de haut niveau. Pemba nous l’affirme : comme son père dont il a pris la suite, pour lui, l’éducation est la meilleure promesse d’avenir. Le HCMC, c’est donc en quelques sortes un deuxième foyer, qu’on ne quitte qu’une fois les vacances venues et un nouveau niveau scolaire obtenu.

16 ans plus tard, le centre bat son plein. Il accueille 38 enfants, âgés de 6 à 19 ans, filles comme garçons. La maisonnée qui s’étend sur 4 étages est devenue une affaire de famille : la femme, les tantes, les neveux et les enfants de Pemba partagent joyeusement le quotidien des petits pensionnaires, se répartissant les tâches entre la cuisine, le ménage, l’intendance, l’aide aux devoirs, etc. Le tout sans oublier de prendre du bon temps. Car, nous le sentons tout de suite en arrivant, aux sourires curieux des enfants que nous croisons dans les couloirs : cet endroit respire le bonheur et la joie de vivre.

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La famille Sherpa accorde d’ailleurs beaucoup d’importance au développement personnel des enfants, et prend soin de leur donner l’occasion de s’évader par différents moyens. Le fondateur de l’association Room13 – grâce à laquelle nous sommes ici – n’y est par pour rien. En 2005, au cours d’un de ses nombreux voyages au Népal, il propose à Pemba d’apporter un soutien financier au centre, notamment pour permettre aux enfants de développer leur créativité. Depuis, ils bénéficient d’une salle d’arts plastiques au rez-de-chaussée, dans laquelle ils passent une bonne partie de leurs samedi après-midi.

Alors forcément, lorsque nous avons parlé à Pemba de notre projet, il a tout de suite pensé à mettre le talent de ceux qu’ils considèrent comme ses enfants au profit des petits malades de La Chaîne de l’Espoir. Pour ce premier jour parmi eux – comme avec les enfants de l’école primaire Wen He, à Shanghai – nous allons dessiner !

Après un rapide tour des lieux, des dortoirs à la cuisine en passant par la bibliothèque, nous retrouvons les enfants qui s’affairent déjà joyeusement en bas. La disparité d’âge entre les plus grands et les plus petits ne semble pas être un problème, au contraire l’entraide semble être ici une seconde nature. Il n’y a pas de sujet imposé, les enfants peuvent donner libre cours à leur imagination. Certains s’appliquent à retranscrire sur le papier ce qui figure sur les boites de leurs crayons de couleurs : Winnie l’Ourson, Cendrillon ou Angry Bird. Mais, la plupart se mettent à dessiner des montagnes : celles d’où ils viennent.

Cette première journée est pour nous l’occasion de faire connaissance avec les enfants qui parlent, pour la plupart, tous anglais. Les plus jeunes sont un peu timides, mais nous sympathisons très vite avec les adolescents.

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Et notamment avec Tirtha. Agé de 19 ans, ce beau népalais aux traits réguliers est l’aîné du centre, dont il est pensionnaire depuis presque 9 ans. Il est le seul ici à aller au collège, après avoir obtenu haut la main son certificat d’étude (l’équivalent du brevet chez nous). Au sein de la fratrie, il joue le rôle du grand frère, aidant les plus petits à faire leurs devoirs, servant d’intermédiaire lors des éventuels désaccords et apprenant à ses amis de chambrée de nouveaux airs à la guitare.

Le lendemain, c’est d’ailleurs lui qui nous accueille et nous met au courant du programme du jour : les garçons ont prévu d’organiser un petit concert. Les cours intensifs de guitare y sont sans doute pour quelque chose !

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Nous prenons tous place sur la grande terrasse couverte du dernier étage, sous une pluie battante. Les enfants se serrent sur des petits bancs de fortunes, les filles, mamans de substitution, prenant les plus petits sur leurs genoux. Et malgré le mauvais temps, chanteurs comme spectateurs, nous sommes tous ravis de la scène qui se déroule devant nos yeux. Les têtes se balancent et les pieds frappent le sol au rythme des mélodies qui s’enchaînent. L’émotion transmise par la musique aidant, ce que je ressens est indescriptible. Je crois n’avoir rarement vu autant de misère côtoyer autant…de bonheur ! La famille Sherpa a sans conteste réussi son pari : ici, loin de la rigueur des montagnes, les enfants coulent des jours paisibles.

Le lendemain, troisième et dernier jour de notre visite, nous constatons avec plaisir que nous avons vite été adoptés. Les petits se ruent sur nous dès notre arrivée et nous entraînent dans leurs chambres en riant. Cette fois, ce sont les filles qui ont pris les choses en main : elles ont prévu de nous montrer comment l’on danse à la mode népalaise. Elles sont d’ailleurs déjà toutes apprêtées, en costumes traditionnels, ceux d’habitude réservés aux festivals. C’est donc jour de fête aujourd’hui!

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Nous prenons à nouveau place sur la terrasse avec en prime, la joie de voir le soleil revenu. Très vite le spectacle commence, et quel spectacle ! Je suis impressionnée par le talent des filles qui se déhanchent avec souplesse. Ici, on apprend à danser dès le plus jeune âge. Passang en est le meilleur exemple : elle a 6 ans à peine, est haute comme trois pommes mais n’est pas le moins du monde effrayée à l’idée de nous improviser un numéro solo, très réussi, au rythme des claquements de mains de ses camarades.

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Puis, au bout de quelques chansons, les filles viennent me chercher : « Allez maintenant danse avec nous ! ». J’essaye de reproduire leurs pas de danse, mais je dois avouer que l’exercice ne me réussit pas tellement. Heureusement, la musique traditionnelle laisse bientôt place à des rythmes plus soutenus et c’est maintenant l’ensemble des petits spectateurs qui nous rejoint sur cette piste de danse improvisée.

Avec Antoine, nous échangeons des sourires d’un bout à l’autre de la terrasse. Nous réalisons à peine ce que nous sommes en train de vivre. Cette fête est surréaliste. La nuit est tombée sur Katmandou, seules deux grosses lampes torches nous éclairent, la musique résonne à fond dans les grosses basses posées à chaque coin de la terrasse. Et nous sommes en train de danser, de sauter, de tourner, de crier des paroles de chansons que nous ne connaissons pas, au milieu d’une bande de gamins déjantés en habits traditionnels qui auraient pourtant toutes les raisons du monde d’être malheureux.

Puis soudain, je reconnais une mélodie familière. Non, je ne rêve pas…il s’agit bien du « Gangnam Style », ce hit coréen qui a fait le buzz sur la toile il y a un an et demi. Après tout, deux milliards de vues sur Youtube, cela vaut bien d’être arrivé jusqu’à la petite banlieue de Katmandou ! « Danse comme ça », me dit Passang en me montrant l’exemple : il faut monter les genoux et les bras en rythme. J’en suis incapable, mais je m’exécute quand même en riant. Un cercle se forme, et les enfants poussent Antoine à l’intérieur, qui, tout fier s’essaye à un numéro de breakdance, sous un tonnerre d’applaudissements. Les plus petits comme les plus vieux se trémoussent en cœur : pas de différence d’âge, on danse en binôme avec les enfants de 6 ans comme la grand-tante de Pemba.

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Si on m’avait dit que nous aurions un jour la chance d’assister à une soirée aussi irréaliste à l’autre bout du monde, je ne l’aurais sans doute jamais cru !

S’éclipsant de la piste, quelques enfants reviennent bientôt avec des cadeaux dans les mains : une carte faite de leurs mains nous remerciant de notre passage et nous souhaitant bon courage pour la suite de notre périple, et deux écharpes, une chacun, sensées nous apporter chance, bonheur et sécurité. Voilà, maintenant, nous n’aurons plus jamais peur !

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En repartant ce soir là, digérant à peine la dose de bonheur que nous avions reçue en pleine figure, je n’ai pas pu m’empêcher de me faire la réflexion qu’au Helpless Children Mother Center, celui qui n’avait rien nous avait accueilli en nous donnant tout, et que les plus mal lotis étaient finalement ceux qui semblaient les plus doués pour le bonheur.

A méditer…

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Charlotte.