TAABAR (2) – En Inde, l’école pour s’en sortir

Dans le cadre de notre tour du monde solidaire, nous avons rencontré TAABAR. Une association humanitaire créée en 2008, à Jaïpur dans le Rajasthan, par Ramesh Paliwal.

Son objectif : s’occuper des enfants en déroute. D’abord, les sortir de la rue, les renvoyer chez eux, puis proposer à leurs parents de prendre en charge leur avenir.

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Pour y arriver, Ramesh et son équipe ont mis en place un vaste programme, que nous vous décryptons ici en 5 points.

1/ EDUQUER.

La priorité absolue de TAABAR est de permettre à tous les enfants d’accéder à l’éducation.

C’est ce que l’association propose aux familles dont elle recueille les enfants fugueurs : les envoyer dans des écoles privées, dont le niveau est souvent meilleur que dans les publiques. Tous frais payés évidemment.

Mais, constatant que les parents n’y envoyaient plus naturellement que leurs garçons, TAABAR a ouvert en 2011 une école pour filles : l’école « Snesh ».

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Nous y avons rencontré deux petites filles étonnantes portant toutes les deux le même prénom : Khusbhoo (retrouvez le portrait de l’une d’elle sur notre page Facebook).

A l’école, elles apprennent l’Hindi, l’Anglais, les Maths, les Sciences mais aussi la Peinture, le Théâtre et la Danse. Avant, comme beaucoup de petites filles issues des classes populaires, elles restaient à la maison, s’occupant des tâches ménagères et subissant les violences physiques de leur entourage. Jamais, elles n’avaient entendu parler de l’école ni même pensé un jour savoir lire ou écrire.

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Aujourd’hui, ce sont 135 petites filles comme elles, qui se rendent tous les jours à l’école Snesh. 135 petites filles qui peuvent raisonnablement espérer une vie meilleure que celle de leurs parents. La plus grande victoire de l’association ? Depuis qu’elles vont à l’école, un certain nombre d’entre elles ont refusé des mariages forcés.

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2/ ACCOMPAGNER, EVEILLER.

Pour éviter qu’à la sortie de l’école, les enfants ne soient exposés aux dangers de la rue, TAABAR a mis en place des « Day Care Center » dans pas moins de cinq endroits de la ville.

A mi-chemin entre la garderie et le centre de loisir, les enfants y trouvent non seulement un cadre confortable et une nourriture saine, mais aussi des professeurs qui les aident à faire leurs devoirs. Par ailleurs, le développement personnel de chaque enfant est une notion très chère à TAABAR. Tout est donc mis en place pour encourager la créativité : cours de dessin, de peinture, de danse, etc.

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Arvind en est le meilleur exemple. Ce jeune garçon de 14 ans fréquente l’un des Day Care Center de TAABAR depuis maintenant 4 ans. Danseur passionné depuis son plus jeune âge, il avait l’habitude de se produire dans la rue pour gagner quelques pièces. Quand les animateurs de TAABAR l’ont recueilli, ils l’ont envoyé dans l’un des meilleurs instituts de danse du Rajasthan, où tous les jours après les cours il peaufine sa technique. Il a maintenant toutes les chances d’espérer en faire son métier et est devenu un modèle au sein de l’association. Regardez le danser dans la vidéo ci-dessous.

3/ INFORMER.

Savoir lire, écrire et compter est important. Mais apprendre à se comporter, et surtout à se respecter les uns les autres, l’est tout autant.

Nous avons été étonnés de l’apprendre : en Inde, les enfants n’ont aucune idée de leurs droits, ni même de la notion du bien et du mal. Sans autres perspectives que celles de la pauvreté de leur quartier ou de la rudesse de la vie dans la rue, ils ne se posent pas la question de la normalité de leur condition.

C’est pourquoi TAABAR a mis en place des « Children Parliament ». Un jeu de rôle dans lequel chaque enfant, le temps d’une heure, endosse une fonction ministérielle dans un gouvernement reconstitué. En cercle ils y débattent des mesures à prendre pour améliorer leur quotidien, mais en profitent également pour y poser leurs questions. Pourquoi certaines personnes sont-elles plus riches que d’autres ? Comment faire pour permettre à toutes les filles de prendre le chemin de l’école ? Faut-il accepter les propositions parfois douteuses de certains voisins ? Pourquoi les grandes personnes boivent-elles autant ? Quel système mettre en place pour que tout le monde puisse manger à sa faim ?

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Les enfants y apprennent le plus important : ils ne sont pas là pour subir, ils ont des droits et des devoirs, et en tant que citoyens, ils peuvent aussi être acteurs de la société.

L’école de la vie en somme.

4/ SOIGNER.

Ramesh s’en était alarmé dès 2006 : la plupart des enfants qu’il accueillait au refuge était souvent très malades. Du fait de leurs conditions de vie déplorables dans la rue, mais aussi de leur très rare accès à l’eau potable. Dans les quartiers pauvres, le plus gros problème est souvent la malnutrition, et en particulier chez les filles. La nourriture est en effet donnée en priorité aux hommes, il n’est pas rare que les petites se couchent le ventre vide.

A la création de TAABAR et grâce au soutien de La Chaîne de l’Espoir, Ramesh a mis en place une clinique mobile. Eté comme hiver, cette petite camionnette sillonne les rues des banlieues de Jaipur pour y soigner les enfants et la queue y est souvent bien longue.

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A chaque nouvelle consultation, les enfants doivent remplir des fiches détaillées permettant à l’association d’assurer un suivi médical très complet. Les enfants s’y font prescrire des médicaments, mais trouvent aussi dans la camionnette l’écoute bienveillante d’un assistant social auquel ils peuvent demander conseils mais aussi parler de certains traumatismes. La politique de TAABAR n’est pas de fermer les yeux sur les violences (sexuelles en particulier) qu’ont subies les enfants, mais au contraire leur permettre de s’en débarrasser pour mieux aller de l’avant.

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5/ DONNER L’EXEMPLE.

Sans conteste, le coup de génie de Ramesh est de faire de chacun des enfants qu’il prend en charge, un acteur du changement. En ouvrant leur perspective d’avenir, en leur faisant goûter à d’autres conditions de vie, TAABAR les érige en ambassadeurs.

L’association a d’ailleurs mis en place des moyens de communication affutés qui lui permettent de faire passer ses messages en douceur.

D’abord des saynètes de rue, que les enfants jouent avec plaisir dans les lieux publics. Elles portent souvent sur des thèmes comme l’alcoolisme, l’inégalité hommes-femmes ou les mariages des petites filles. Les enfants y reproduisent la réalité de ce qu’ils peuvent vivre mais en modifient la fin selon leurs idéaux : les jeunes filles refusent les mariages, les pères lâchent leurs bouteilles, les enfants arrêtent de mendier pour se rendre à l’école. Bien souvent, un petit groupe de spectateurs silencieux se forme assez rapidement autour des enfants. Une bonne raison d’espérer que ces messages font doucement leur chemin dans leurs esprits.

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Ensuite les « Child Help Center » : des petits stands que les enfants mettent en place dans les rues et auxquels ils invitent les autres à se rendre pour poser des questions, obtenir des informations ou tout simplement témoigner de leur expérience avec TAABAR. Concept novateur que Ramesh aime à définir ainsi : « à propos des enfants, par les enfants, pour les enfants ».


Enfin, plusieurs fois par semaine, TAABAR organise des petites manifestations dans les quartiers où l’association a identifié des problèmes. Les enfants y défilent, pancartes en main, pour revendiquer leurs droits et faire passer leurs messages. Sur leur passage, ils suscitent la curiosité des habitants qui sortent sur le pas des portes assister au cortège. La plupart du temps des mères, leurs enfants dans les bras. Peut-être se décideront-elles bientôt à les envoyer à l’école…

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LA SUITE ?

En les arrachant aux rues et en donnant un nouveau sens à leur vie grâce à l’école, TAABAR a déjà détourné le destin de plus de 3000 enfants à Jaïpur.

Mais plus que ça, l’association œuvre en filigrane à éduquer une génération toute entière en faisant passer deux messages essentiels : l’importance de la scolarité et l’égalité homme-femme.

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Ramesh voudrait étendre son action au niveau national, et en particulier à Mumbai où il a déjà commencé à travailler avec la police locale pour prendre en charge les enfants des rues qui y sont très nombreux.

Aujourd’hui, les enfants les plus âgés du centre ont 16 ans. Ramesh peut les prendre en charge jusqu’à leurs 18 ans, après quoi il souhaite les envoyer à l’université. En parallèle, il est également en train de mettre en place des partenariats avec des corporations pour que les jeunes puissent se spécialiser, en informatique par exemple ou en mécanique.

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La vraie préoccupation de TAABAR pour le moment est de réussir à gérer le nombre grandissant d’enfants rejoignant le centre, et ceci alors même que les subventions commencent à manquer.

Parmi ses priorités à court-terme :

  1. La mise en place d’une navette entre les quartiers populaires et les écoles, ce qui permettrait à un plus grand nombre d’enfants d’accéder à la scolarisation, mais les aiderait surtout à se tenir loin des dangers des rues. Cout estimé : 6000 euros.
  2. Le financement d’une deuxième clinique mobile pour soigner encore plus d’enfants et à de plus nombreux endroits. Cout estimé : 20 000 euros.

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Pour ceux qui voudraient s’investir, plusieurs moyens sont possibles :

Charlotte.

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