Le premier maillon de notre chaîne de spectacle ne nous a pas emmenés très loin. C’est au Vésinet, petite bourgade de banlieue parisienne, haut lieu de mon enfance, que nous avons retrouvé les enfants du centre de loisirs au mois de juillet.
Après les présentations, ces-derniers acceptent avec enthousiasme de se livrer au jeu du spectacle, et nous voici partis pour trois jours de tournage.
Les enfants ont, au début, du mal à s’habituer à la caméra, et nous nous étonnons de les voir répondre timidement à nos questions, alors qu’ils semblent si audacieux en dehors de l’objectif. Mais les heures passent, et nous sommes bientôt heureux de les voir se détendre autour d’un plat de carottes râpées à la cantine (celles-là ne nous avaient pas manqué !) et de discussions animées sur leurs prouesses en frisbee ou leur confection de bracelet en élastiques.
Pour le spectacle, les animateurs ont imaginé un conte, sur le modèle des fables de La Fontaine, inspiré des mascottes du centre : trois poules et une tortue, que les enfants chérissent. Les quatre héros doivent apporter un œuf magique à une jeune fille prénommée Charlotte (tiens donc) qui en a besoin pour partir en voyage. Mais sur le chemin, par gourmandise, paresse ou impatience, les poules cassent tour à tour leurs œufs. C’est donc la tortue qui, à force de minutie et de rencontres fortuites dont elle a su saisir les opportunités, arrive à atteindre son objectif. Le message est clair : pour notre voyage, mieux vaut prendre notre temps et nous intéresser aux gens qui croiseront notre route, plutôt que de nous précipiter, au risque de le gâcher.
Le rendu, tout en ombres chinoises, est superbe, et c’est moi qui ai l’honneur d’en raconter l’histoire. Je n’y étais pas préparée, je bafouille un peu, mange mes mots, mais cela ne semble pas déstabiliser les enfants. Au contraire, nous sommes surpris par leur sérieux : les langues appliquées sortent des bouches et les yeux se plissent sous l’effet de leur envie de bien faire.
Nous sommes également touchés de constater qu’ils ont bien intégré le but de notre présence parmi eux : ce sont bien pour les enfants malades du bout du monde qu’ils se donnent tant de mal.
Ce premier tournage est sans conteste un test. Il nous permet d’abord de nous assurer de notre bon contact avec les enfants, de la véracité de notre projet, mais surtout de notre capacité à saisir avec justesse ce que les enfants laissent échapper de leur vision du monde.
Et c’est sans doute sur ce-dernier point que nous rencontrons le plus de difficultés. Les enfants ont, sans conteste, mille choses à nous apprendre, mais ils les livrent malgré eux, au détour d’une conversation ou en réaction à une anecdote. Ils ne conscientisent pas leur rapport au monde et aux autres, et reçoivent nos interrogations comme des mises à l’épreuve, comme si nous attendions d’eux qu’ils récitent une leçon. Leurs réponses sont alors biaisées par leur crainte d’être jugés, de nous décevoir ou de passer pour des ignorants. Comme si nous allions leur distribuer des mauvais points !
Tout l’enjeu est de savoir attraper leurs réflexions au vol. C’est un exercice auquel nous ne nous étions pas préparés et nous comprenons que, lors de notre voyage, il va nous falloir ruser. Il faut que nous apprenions à nous mettre à leur niveau, si, à nos questions, nous ne voulons pas récolter une ribambelle de « euhhhh…je sais pas ».
Pour le reste, nous repartons satisfaits et heureux d’avoir pu vérifier que pour s’adresser aux enfants, le mieux est d’utiliser leur langage : celui du rêve, du jeu et de l’imaginaire. Un langage que nous les adultes, avons sans doute un peu trop oublié.
Si vous voulez voir le résultat, installez vous confortablement dans votre canapé, chaise, siège en tout genre, cliquez sur le lien en dessous et c’est parti pour 5 minutes de show :
Antoine & Charlotte.